Communiqué de presse du 4 décembre 2004
Au cours de sa prestation télévisée du 18 novembre, dans ses " 14 propositions " pour la loi d’orientation sur l’École, dans le " document de travail soumis à consultation " (
Le collectif Sauver les lettres apprécierait l’une d’entre elles, l’abandon des " travaux personnels encadrés " (T.P.E.) en terminale et leur suppression au baccalauréat, si cet abandon était étendu à la classe de première et aux " itinéraires de découverte " (I.D.D.) du collège, et les heures correspondantes restituées à l’enseignement disciplinaire (
http://www.sauv.net/fx041122.php ).Mais le reste des mesures proposées le 18 novembre est une confirmation, parfois une aggravation, des recommandations du rapport Thélot, qui donne son sens à la suppression des T.P.E. Celle-ci ne laisse nullement entrevoir un changement radical d’orientation de l’école, qui donnerait désormais la primauté à l’instruction : le principe mortifère du contrôle continu au baccalauréat, que les T.P.E. avaient inauguré, est en effet étendu par le ministre à une bonne moitié de l’examen, et dès la classe de première, en créant de toutes pièces un " bac maison " à valeur relative. La suppression des T.P.E. n’est donc qu’un sauve-qui-peut économique, un moyen de supprimer des heures.
Par ailleurs, François Fillon proclame la " liberté pédagogique ". On pourrait y entendre la fin de l'obligation, à l’école primaire, d’user de méthodes globalistes pour apprendre à lire ou bien l’autorisation d’enseigner sérieusement la grammaire au collège, conformément à la circulaire de rentrée du ministre. Mais la loi, elle, choisit la création d'un organe supplémentaire de contrôle, le " conseil pédagogique ", qui interdira de fait tout choix pédagogique aux professeurs placés sous la tutelle de leurs collègues et de leur direction, sans compétence effective en la matière.
Le collectif Sauver les lettres accueille également avec un grand scepticisme la proposition de revaloriser le coefficient des épreuves de latin et de grec au baccalauréat puisqu’il n’y aura bientôt presque plus d’élèves pour les passer : un grand nombre de sections de langues anciennes ont été effectivement fermées à la rentrée 2004, en dépit de l’Appel pour le latin et le grec qui venait de recueillir 70 000 signatures, et les rectorats commencent déjà à préparer d’autres suppressions pour la rentrée 2005.
L’affirmation que la maîtrise des redoublements sera redonnée aux professeurs est, elle aussi, fallacieuse : " le dernier mot reviendra au chef d’établissement ", soumis aux statistiques des rectorats. La situation actuelle est donc pratiquement inchangée.
En outre, la reconnaissance apparente de la mission essentielle d’instruction de l’école est contredite par l’obligation de remplacement, au pied levé, des professeurs absents. C’est feindre d’ignorer que les cours se préparent et s’inscrivent dans des progressions sans lesquelles ils n’ont guère d’efficacité. Avec un sens certain de la démagogie, on dupe les parents : dans les faits, le " remplacement " se réduira à une permanence ou une garderie. Le ministre achève seulement de supprimer le corps des titulaires-remplaçants (institution efficace mais onéreuse) qui permettait de remplacer l’absent auprès de toutes ses classes par un professeur unique de la même discipline, habitué à cet exercice particulier.
De plus, le collectif Sauver les lettres déplore la transformation profonde du contenu de l’enseignement à l’école primaire et au collège : outre la baisse des ambitions intellectuelles au profit d’apprentissages utilitaires (informatique, langue étrangère réduite à de la communication), le " socle commun " n’apportera guère de secours aux élèves défavorisés par leur milieu social : en effet, l’apprentissage d’une langue vivante à l’école primaire est un non-sens pour ceux qui demeurent étrangers à leur propre langue ; et le " savoir cliquer " ne remplace pas l’apprentissage de la réflexion.
Aucune proposition ne vient donc répondre au jugement de condamnation que le collectif Sauver les lettres a rendu sur le consternant rapport Thélot (
http://www.sauv.net/fx041019.php). L’introduction hâtive d’une " culture scientifique " et d’une " culture historique " pour calmer les esprits est une fois de plus un leurre : leur nouvelle définition (" une culture humaniste et scientifique permettant l’exercice de la citoyenneté ") ne correspond jamais qu’à la demande simpliste de certains industriels : la politesse et la civilité. La culture en sera absente, l’histoire risque de se réduire à de l’" instruction civique " et la science à de l’" instruction écologique ".Comment croire également qu’avec l’introduction du contrôle continu au baccalauréat, la loi va mener " la lutte contre la montée de l’inégalité sociale " alors qu’elle ne va plus protéger les candidats à l’examen par l’anonymat mais, au contraire, inscrire sur le diplôme leur origine sociale et géographique ? Comment ignorer tout ce qui séparera aussitôt un " bac de lycée de banlieue " et " bac de lycée de centre-ville ", d’autant que le premier n’offrira pas le large choix d’options du second ?
Quant aux mesures qui rendraient l’école véritablement " plus juste et plus efficace ", il n’en est pas question dans les quatorze propositions de M. Fillon. Un vrai changement dans ce sens impliquerait :
La loi d’orientation à venir proposée par M. Fillon se situe donc dans la continuité de la précédente, comme du rapport commandé par M. Ferry : elle cède aux pressions des marchands.
Méprisant finalement l’instruction, la soumettant à des priorités sociales et économiques et n’assurant aux élèves, dans l’enseignement public, qu’une " certification " qui risque fort de devenir une forme sans contenu, elle satisfait les groupes patronaux qui conseillent l’O.C.D.E. : " Aujourd'hui l'un des plus grands défis qui se pose au système éducatif est de transformer l'école. Celle-ci doit cesser d'être une "usine d'enseignement" et devenir un centre d'apprentissage. "
(FIN_MIN_Educ_04-2001_French.pdf).