Elèves ignorants, parents désemparés, enseignants dépressifs depuis combien d'années ce triptyque noircit-il le fronton des écoles de la République ? Le temps passe, le mammouth ne change pas. En dépit d'un " grand débat sur l'avenir de l'école " dont la représentativité fut contestable, on ne voit pas l'Education nationale rompre avec une politique qui doit moins à la fatalité qu'à l'obstination.

L'an dernier, deux essais publiés par des enseignants (Ignare Academy et Collèges de France) avaient attiré l'attention du grand public sur ce naufrage. Il ne manque donc pas de professeurs pour se rebeller. En voici deux nouveaux témoignages. Fanny Capel lance un cri d'alarme rien ne bouge, dit-elle. On est toujours dans la situation où " les torpilleurs du navire " regardent " les naufragés fabriquer leur radeau ". Car, s'insurge cette jeune agrégée de lettres, " c'est l'institution tout entière qui, depuis l'école primaire, orchestre l'insupportable privation du savoir". Bien qu'elle enseigne dans un " établissement bien famé " de l'Ouest parisien, l'auteur relève que " la langue maternelle paraît presque aussi étrangère aux jeunes Français de souche qu'aux primo-arrivants ". Et de dénoncer " la secte IUFM ", " les numéros d'esbroufe pédagogiste ", " le civisme de bazar".

Marc Le Bris est instituteur et directeur d'école en Ille-et-Vilaine Un reportage du Figaro Magazine (16 mars 2002) avait fait connaître ses difficultés. Dans un pamphlet virulent, à propos de l'apprentissage de la lecture ou des mathématiques, il expose sa façon de résister " aux directives absurdes venues d'en haut". Lui, l'ancien progressiste, " a mis vingt ans à se débarrasser des théories qui l'empêchaient de faire SON métier ". Il raconte notamment son combat contre une hiérarchie prête à " casser son école".

Que l'on n'accuse pas ces enseignants de catastrophisme. Membres du collectif Sauver les Lettres (qui vient de lancer un appel désespéré pour le latin/grec), ils veulent donner le meilleur d'eux-mêmes pour nos enfants. Qui saura les entendre ?

ANNET SAUTY DE CHALLON

Fanny Capel, Qui a eu cette idée folle un jour de casser l'école?, Ramsay, 230p., 20 E
Marc Le Bris, Et vos enfants ne sauront pas lire ni compter, Stock, 330 p, 20,99 E