Quels sont les obstacles à l'enseignement des mathématiques au lycée ?
Variations sur le thème de Le risque n’est plus de penser, Les paradoxes du système : entre ambition démesurée et médiocrité des résultats. L'obstacle majeur à l'enseignement des mathématiques au lycée est que la maîtrise du calcul n'est plus considérée comme une exigence pour l'entrée en classe de seconde, mais comme une capacité en perpétuelle acquisition. Or poser parmi les objectifs du programme de seconde la consolidation de la maîtrise de l'algèbre, et il ne s'agit pas là de l'algèbre homologique, c'est avouer l'échec des apprentissages des opérations fondamentales (addition, soustraction, multiplication, division) à l'école et au collège. Nous constatons d'importants handicaps calculatoires résiduels à l'entrée au lycée (1), et de déroutants problèmes de compréhension. A ces simplifications à outrance s'ajoute, inévitablement, un recours aux calculatrices exacerbé. Ainsi on doit parler aux élèves de Sixième de priorité des opérations alors qu'ils ne savent pas toujours distinguer des additions et des multiplications (2). Trop précoce (3), ce recours aux calculatrices a, en outre, pour conséquence néfaste de stériliser toute appropriation sensible (4) et organique (5) des démonstrations mathématiques. Les années de collège devraient plutôt privilégier la mémorisation des démonstrations étudiées, et une approche plus respectueuse de la logique des démonstrations, en les considérant dans leur originalité. Enfin c'est la progression du Collège au Lycée qui a disparu, les étapes normales de la constitution du jugement étant inversées, au mépris du bon sens des pédagogues, au profit des trouvailles des pédagogistes : ainsi, à la faveur du travail en séquences décloisonnées on développe chez les collégiens l'esprit de synthèse avant l'esprit d'analyse. Puisque ce sont désormais les mêmes activités diversifiées qu'il faut mettre en oeuvre au Collège et au Lycée, le professeur de mathématiques doit se livrer au Lycée à une étrange gymnastique : il faut à la fois enseigner à l'élève la maîtrise de l'algèbre, puisque cela n'a pas été acquis pendant les années de Collège, et lui apprendre à rédiger des démonstrations correctement... Le tout en ne disposant que d'un horaire diminué. Et c'est dans ces conditions qu'on nous demande de mettre en place les très contestés Travaux Personnels Encadrés, qui importent au Lycée les méthodes de travail de l'enseignement supérieur. Pour conclure Les mathématiques n'ont pas à être utile pour justifier le temps qu'on y consacre au lycée, elles n'ont pas à être instrumentalisées : on n'a pas à les rentabiliser, à moins de vouloir les sacrifier. La frénésie de l'adaptation à la réalité qui semble justifier tous les changements à vue (6), qui ringardise les exercices classiques au nom d'une prétendue modernité, occulte les conditions requises pour garantir un véritable enseignement des mathématiques : nous devons travailler dans l'universel et dans la lenteur (7). Jean-Yves Degos, (1) Dans une classe de seconde, 3 élèves sur 36 sont capables de conduire à la main et à son terme le calcul (2) "On arrive ainsi, sous les effets combinés de la pédagogie de projet et des dérives du cognitivisme, au résultat suivant : on apprend dans certaines classes du primaire la multiplication avant l'addition, ce qui rend impossible l'apprentissage de l'une et de l'autre, car la multiplication est une addition qui se répète." (Michel Delord, http://www.sauv.net/ricin.htm, également publié dans la revue Panoramiques numéro 56, Février 2002, Žd. Corlet-Marianne, p. 76) (3) "Il est nécessaire que les élèves apprennent à faire les quatre opérations arithmétiques, sachent faire une division, un calcul algébrique, et pour cela, dans cet apprentissage, il faut interdire l’usage des machines." (René Guitart, La pulsation mathématique. Rigueur et ambiguïté, la nature de l’activité mathématique. Ce dont il s’agit d’instruire, Ed. L’Harmattan, 1999, §14 - Le propre de la passion mathématique, p. 46) (4) "Faire comprendre ce qu'est la recherche mathématique ne peut s'accomplir en langage mathématique ; c'est là l'affaire de la philosophie des sciences ou d'une poétique comme celle inaugurée par Grothendieck -- dont l'accès suppose une grande familiarité avec les processus intellectuels qui sont en jeu dans la science." (Frédéric Patras, La pensée mathématique contemporaine, PUF, 2001, VII - Les demeures de la pensée, p. 166) (5) "Ce dont les mathématiques, et toutes les autres formes de savoir, ont le plus besoin désormais, c'est d'une table d'orientation, de traités organiques plutôt que didactiques, fixant les lignes de forces des recherches déjà abouties, les perspectives des travaux en cours, désignant les grands problèmes à affronter." (Frédéric Patras, La pensée mathématique contemporaine, PUF, 2001, Conclusion, p. 188) (6) "Je pose donc qu’il y a la force de l’esprit, d’abord la capacité de pensée abstraite spéculative, ce qui est un outil dont il faut instruire, donner la possibilité d’un usage réel. C’est ce réel-là qui est destiné à battre en brèche le soi-disant réel unique dont le monde médiatique pose l’unicité incontournable, dans l’urgence économique." (René Guitart, La pulsation mathématique. Rigueur et ambiguïté, la nature de l’activité mathématique. Ce dont il s’agit d’instruire, Ed. L’Harmattan, 1999, Introduction) (7) "Le lecteur dont j'attends quelque chose doit avoir trois qualités : il doit être calme et lire sans hâte, il ne doit pas toujours s'interposer, lui et sa "culture", il ne doit pas enfin attendre pour finir un tableau de résultats." (Friedrich Nietzsche, Sur l’avenir de nos établissements d’enseignement, 1872) cité dans (René Guitart, Sur les places du sujet et de l’objet dans la pulsation mathématique, Questions éducatives, revue du Centre de Recherche en éducation de l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, n°22, octobre 2002, à paraître)
http://www.sauv.net/colloque2.htm
mais de n’être pas conforme.
René Guitart.
L'obstacle majeur à l'enseignement de la littérature au lycée est que la maîtrise de la langue n'est plus considérée comme une exigence pour l'entrée en classe de seconde, mais comme une capacité en perpétuelle acquisition. Or poser parmi les objectifs du programme de seconde la consolidation de la maîtrise de la phrase, et il ne s'agit pas là de la phrase proustienne, c'est avouer l'échec des méthodes des apprentissages fondamentaux (lecture, grammaire, orthographe, vocabulaire) à l'école et au collège. Nous constatons un important illettrisme résiduel à l'entrée au lycée, et de déroutants problèmes de compréhension.
A ces simplifications à outrance s'ajoute, paradoxalement, un technicisme exacerbé. Ainsi on doit parler aux élèves de Sixième de déictisation alors qu'ils ne savent pas encore distinguer des pronoms des déterminants. Trop précoce, ce technicisme a, en outre, pour conséquence néfaste de stériliser toute appropriation sensible et organique des textes littéraires. Les années de collège devraient plutôt privilégier la mémorisation des textes étudiés, et une approche plus respectueuse du mystère du texte, en le considérant dans sa spécificité.
Enfin c'est la progression du Collège au Lycée qui a disparu, les étapes normales de la constitution du jugement étant inversées, au mépris du bon sens des pédagogues, au profit des trouvailles des pédagogistes : ainsi, à la faveur du travail en séquences décloisonnées on développe chez les collégiens l'esprit de synthèse avant l'esprit d'analyse.
Puisque ce sont désormais les mêmes activités diversifiées qu'il faut mettre en œuvre au Collège et au Lycée, le professeur de lettres doit se livrer au Lycée à une étrange gymnastique : il faut à la fois enseigner à l'élève la maîtrise de la phrase, puisque cela n'a pas été acquis pendant les années de Collège, et lui apprendre à construire des argumentations rigoureuses... Le tout en ne disposant que d'un horaire diminué. Et c'est dans ces conditions qu'on nous demande de mettre en place les très contestés Travaux Personnels Encadrés, qui importent au Lycée les méthodes de travail de l'enseignement supérieur. (...)
La littérature n'a pas à être utile pour justifier le temps qu'on y consacre au lycée, elle n'a pas à être instrumentalisée : on n'a pas à la rentabiliser, à moins de vouloir la sacrifier. La frénésie de l'adaptation à la réalité qui semble justifier tous les changements à vue, qui ringardise les exercices classiques au nom d'une prétendue modernité, occulte les conditions requises pour garantir un véritable enseignement de la littérature : nous devons travailler dans l'universel et dans la lenteur.
Docteur de l’Université Bordeaux I en Mathématiques Pures
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