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Le sujet d’invention et la structure des oeuvres littéraires


« (Les) acquisitions (du français) se réalisent par des lectures de toutes sortes, et en particulier par la lecture d’œuvres littéraires. Par leurs effets esthétiques, les idées qu’elles portent, les discours qu’elles constituent, celles-ci représentent des objets d’une richesse particulière. » 

     Le texte officiel paraît clair : les instructions reconnaissent la valeur des œuvres littéraires dans les apprentissages des élèves. D’où vient alors que les sujets d’invention des manuels dénaturent systématiquement les qualités littéraires des œuvres ou des textes, leur valeur d’expression, de symbole, de composition ? Sinon de ce que les concepteurs de la réforme, en prônant « toutes les formes de discours verbaux et non verbaux », ne sont pas persuadés que les textes littéraires doivent émerger du lot, parce qu’ils conduiraient à un élitisme de mauvais aloi dans « une école pour tous »  ? En tous cas, les manuels cherchent constamment à les dénaturer et à les dévaloriser. C’est donc qu’implicitement ils s’y sentent autorisés, peut-être encouragés.

 La composition des romans et la signification de leur structure, sont en effet, après les personnages - comme on l’a vu supra, - attaqués dans les sujets suivants :

    - L’épilogue du Père Goriot : « En gardant le même point de vue narratif, racontez la soirée du jeune homme chez Madame de Nucingen. » (Bordas FS, p. 121) – sujet déjà commenté au-dessus. Or Balzac, pour des raisons de sens qu’on piétine ici, fait naître Rastignac de l’enterrement du Père Goriot. Comment mieux montrer aux élèves que la structure, l’ordre des épisodes, peuvent être modifiés sans conséquences, et que le projet d’un écrivain est méprisable ou négligeable, en tout cas non signifiant ?
     - « Racontez la première journée du baron Georges Du Roy de Cantel au lendemain de son mariage. » (Hachette LL, p. 68). Auparavant, on a conseillé aux élèves une relecture de l’incipit et de l’épilogue de Bel-Ami, sans leur donner d’explications. Peuvent-ils percevoir seuls que l’épilogue est la lecture inversée de l’incipit, et que dans ce cas le sujet est nul et non avenu, puisque le roman s’est clos ? Un élève fin et perspicace devrait refuser ce sujet.
    - Après un extrait de La Vie est un songe, le sujet suivant : « Vous est-il déjà arriver (sic !) de vivre quelque chose avec la sensation de rêver ? Comment êtes-vous revenu de cette impression ? Faites le point sur cette expérience en quelques pages. » (Belin A., p. 136) L’indiscrétion de ce sujet le fait d’emblée récuser. Par ailleurs, il fait confondre à l’élève le procédé littéraire et symbolique de la pièce, le songe, avec une réalité personnelle ! On croit rêver, justement !
    - Sur L’Education Sentimentale dans le Delagrave F2. (p. 292) :« Développez l’un des épisodes de la vie de Frédéric relaté sous la forme d’un sommaire au début de l’extrait, pour en faire une scène ». Le sujet n’est bien sûr qu’un prétexte à développement. Mais au passage il massacre l’intention de Flaubert, la convergence entre l’ellipse du temps et la vacuité de l’existence de Frédéric. Le sommaire la disait, la scène gomme tout l’effet de sens.   

Pour télécharger ce texte : invention structure.rtf

 

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