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Le sujet d’invention : un niveau imprécis, inadapté à une épreuve de certification.

     Les sujets d’invention et d’écriture proposés à des élèves de lycée, en fin d’adolescence, laissent également pantois sur la méconnaissance que les réformateurs ont d’eux. C’est ainsi que l’on trouve des sujets qu’aucun professeur respectueux de ses élèves et de leurs progrès ne donnera : 
    - « Un personnage regarde son feuilleton ou son film favori à la télévision. Tout à coup, le héros saute dans le salon… » (Bertrand-Lacoste , p. 38)
    - « En employant le plus de figures possibles, faites l’éloge, puis la critique sévère, des réalités suivantes : le moustique ; l’œuf ; une saison ; les impôts ; l’attente à la caisse d’un supermarché ; les devoirs sur table ; le téléphone portable. » (Hachette LL., p. 283). Bertrand-Lacoste, dans un exercice du même genre, propose « la casquette, la moustache (p. 248).
    - « Rédigez un court texte dans lequel vous analyserez, sans les confondre, les sensations et les sentiments que vous procure une baignade » (Hachette T., p. 217)
    - « Les inconvénients de la vie à la campagne » (Delagrave F2 p. 444)
    - « L’éloge des transports en commun » (Hachette LL. P. 114)
    - « À partir des informations suivantes évoquant le naufrage du Titanic [les horaires du drame], décrivez sur le modèle du récit de Zola l’engloutissement progressif du paquebot ». (Delagrave F2. p. 277).
    - « Inventez trois slogans à la gloire d’objets ménagers. Vos réponses favoriseront indirectement l’image du mari au foyer »  (Magnard MP., p. 50), ou : comment conjuguer l’indigence et le « politiquement correct »…

    De tels exercices infantilisent l’élève, ou lui font mépriser la matière et les personnes qui les lui proposent. Elles lui donnent également l’impression qu’au lycée il n’y a rien à apprendre, puisque ces exercices sont la répétition exacte de ce qu’il fait depuis la Sixième, parfois depuis le CM2 d’école primaire. On ne peut pas dire que la réforme atteigne le but que lui fixe le président du GTD : « Il y a… dans les programmes deux idées très simples. La première, qu’il s’agit de chercher du sens avant tout. »  Chercher du sens, peut-être ; en trouver, impossible.

La même idée réductrice préside au choix fait par les programmes pour l’argumentation. Certes, l’argumentation véritable, c’est-à-dire l’exposé motivé d’une opinion, a sa place dans les instructions de Seconde . Mais l’autre partie de la rubrique argumentative est « L’éloge et le blâme ». On ne discutera pas ici du bien-fondé théorique de cet apprentissage. On peut simplement estimer qu’il ne motivera guère l’élève, qui préférerait apprendre à penser avant que d’apprendre à juger. On regrettera également que cette rubrique ne conduise qu’aux techniques d’adhésion et de refus, sans justification le plus souvent, ce qui la fait relever du niveau du sondage d’opinion : il ne va s’agir que d’apprécier, positivement ou négativement, un usage ou un individu. C’est méconnaître les aspirations de l’élève, le considérer comme une personne qui n’a besoin que d’adhérer ou de rejeter, que de figurer dans un clan sans avoir à en rendre compte.

     Le niveau des thèmes sur lesquels on demande à l’élève d’exercer ses facultés d’approbation ou de répulsion témoigne lui aussi du degré de l’infantilisme ou de la médiocrité qu’on suppose chez lui : le Belin F. par exemple (p. 223 à 227) propose comme objets de débat : le brunch, le « goûter dinatoire » (pratique socialement marquée dont on ne pense pas qu’elle soit familière aux élèves !), « les sit-coms, les feuilletons sentimentaux, les séries policières à la télévision » (p. 213). Le Bertrand-Lacoste ouvre la rubrique « Eloge et Blâme » par une photo d’Aimé Jacquet au soir de la Coupe du Monde, l’article de l’Equipe sur Maradona (avec photo), du Monde sur Michaël Johnson (Bertrand-Lacoste, p. 240), de Autrement sur Pelé (Nathan T p. 351) sont en bonne place dans les manuels, le compte-rendu du match victorieux de 1998 aussi (Nathan MT p. 157).
     On propose ainsi aux élèves des éloges ou des blâmes révélateurs du niveau de préoccupations que leur prêtent les réformateurs, où la démagogie le dispute à la stupidité
- « Choisissez le (la) sportif (ive) de l’année. Faites-en ressortir ce qui suscite votre admiration » (Nathan T., p. 374)
- « Rédigez le portrait du cyberathlète » (Bertrand-Lacoste p. 229)
- « Faites oralement la critique ou l’éloge de jeux télévisés ou d’émissions de variétés d’aujourd’hui. Vous vous fonderez sur des exemples précis » (Hatier T. p. 32).

Pour télécharger ce texte : invention niveau indigent.rtf

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