Le
sujet d’invention et l’anachronisme.
Croit-on que les élèves vont s’attacher à faire les
sujets suivants, d’un anachronisme et d’une absence d’intérêt
qui laissent sans voix pour qui les connaît bien ? Comment le président
du GTD peut-il penser que l’invention soit la « condition »
pour que les élèves prennent « plaisir à faire
du français », alors qu’elle est sans doute le facteur qui
va les en détourner, détruire « plaisir
» et « français », et que l’absence de règles
et de méthode qui y président laissent l’élève
sans protection contre les dérives qu’elle peut engendrer, comme
on va le voir ci-dessous ?
- « Imaginez la lettre de Boccace à laquelle répond
Pétrarque » (Belin A. p. 54)
- « Imaginez la lettre que Flaubert aurait pu écrire à
son ami Zola après avoir lu cet article sur Madame Bovary.
Cette lettre fera référence au roman, aux idées de
Flaubert et aux jugements de Duranty et de Zola. » (Hachette T.,
p. 150)
- « Imaginez une rencontre entre les deux éditeurs, fictifs,
de Diderot et de Laclos. Vous direz, notamment, quelles conceptions respectives
ils ont du roman » (Bréal FS., p. 243)
- Même manuel, même page : « Inventez, à votre
choix, une rencontre entre le marquis de Valmont, libertin de Laclos, et
Nana, la femme entretenue de Zola, entre Jacques, de Diderot et Ariane,
de Cohen, entre la marquise de Merteuil, la séductrice de Laclos,
et Octave, de Musset ». Que vont-ils bien pouvoir se dire ?
- Le genre de l’interview fleurit : « Un journaliste interviewe George
Sand au sujet de Chopin. En vous servant des indications données
dans le texte étudié, rédigez le dialogue »
(Magnard LT2, p. 99). « Pour un journal littéraire,
vous réalisez une interview de La Fontaine. La discussion porte
à la fois sur sa conception de la fable et sur sa vision de la femme.
» (Magnard LT1 p. 239)
- « Imaginez le discours pathétique que prononcerait au Sénat
romain Titus préférant Bérénice au pouvoir
impérial. » ((Magnard LT1, p. 253).
A-t-on donc oublié Jules Vallès, criant contre l’anachronisme
dans L’Enfant : « Qu’est-ce que je vais donc bien dire ? «
Mettez-vous à la place de Thémistocle ». Ils me disent
toujours de me mettre à la place de celui-ci, à la place
de celui-là – avec le nez coupé comme Zopyre ? avec le poignet
rôti comme Scévola ? (…) Mais j’ai quatorze ans, je ne sais
pas ce qu’il faut faire dire à Annibal, à Caracalla, ni à
Torquatus, non plus ! » Croit-on que le « public nouveau »,
le « lycéen d’aujourd’hui » va accepter
que, sans qu’il le sache, on le fasse retourner dans le formalisme et le
desséchement des exercices du siècle précédent
? Quelle est cette réforme, qui méconnaît « l’horizon
d’attente » de ceux à qui elle s’adresse ?
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