ÉAF 2003 - Sujets de l'épreuve écrite

Séries technologiques

Objet d'étude : la poésie.

Corpus :
Texte A. Paul Eluard, Notre vie, 1947.
Texte B. Victor Hugo, Demain, dès l’aube…, 1847.
Texte C. Pierre de Ronsard, Comme on voit sur la branche…, 1578.

I. Après avoir lu les textes, vous répondrez aux questions suivantes (6 points)
1) A qui le poète s'adresse-t-il dans ces textes ? Quel lien instaure-t-il avec ce destinataire ?
La réponse à cette question doit être rédigée mais brève, de l'ordre d'une demi-page, une page maximum.
2) Quel est le registre dominant de ce corpus ? Justifiez votre réponse.
La réponse à cette question doit être rédigée mais brève, de l'ordre d'une demi-page, une page maximum.
II. Vous traiterez ensuite un de ces sujets (14 points).
1. Commentaire
Vous commenterez le poème d'Eluard "Notre vie" à partir du parcours de lecture suivant :
a) Expliquez ce qui donne au poème un caractère intime et familier.
b) Comment le poète exprime-t-il sa souffrance ?
2. Dissertation
La poésie est-elle seulement l'expression de sentiments personnels ?
Pour répondre à cette question, vous vous appuierez sur les poèmes du corpus, sur ceux que vous avez vus en cours et sur tous ceux que vous connaissez.
3. Écriture d'invention
Vous êtes chargé(e) par votre professeur de français de constituer une anthologie qui rassemblera les poèmes que vous préférez. En préface à ce recueil, dans lequel figureront entre autres les poèmes du corpus, vous écrivez un texte qui présente vos choix et ce qui les a guidés. Vous aurez en particulier pour objectif de faire partager à vos camarades de classe votre conviction que lire, ou éventuellement écrire, des poèmes peut apporter des remèdes aux maux de la vie.


 

Texte A : Notre vie

Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin

Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ce * que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens

Morte visible Nush(1) invisible et plus dure
Que la soif et la faim à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Sources des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.

Paul Eluard, Le Temps déborde, 1947.

  1. Eluard l'épousa en 1934 ; sa mort, en 1946, le bouleversa.
* Le sujet présenté aux candidats en juin 2003 comportait cette faute : "ceux que nous aimions"...

 

Texte B

Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et, quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

3 septembre 1847 (1).

Victor Hugo, Pauca Meae(2), Les Contemplations, 1856.

  1. veille du douloureux anniversaire de la mort de Léopoldine, fille aînée de Hugo, décédée accidentellement le 4 septembre 1843.
  2. titre latin (signifiant "quelques vers pour ma fille") donné par Victor Hugo à une partie du recueil.

Texte C

Comme on voit sur la branche, au mois de mai, la rose
En sa belle jeunesse, en sa première fleur,
Rendre le ciel jaloux de sa vive couleur,
Quand l'Aube de ses pleurs au point du jour l'arrose ;

La grâce dans sa feuille et l'amour se repose,
Embaumant les jardins et les arbres d'odeur ;
Mais, battue ou de pluie ou d'excessive ardeur(1),
Languissante elle meurt feuille à feuille déclose(2).

Ainsi en ta première et jeune nouveauté,
Quand la terre et le ciel honoraient ta beauté,
La Parque(3) t'a tuée, et cendre tu reposes.

Pour obsèques (4) reçois mes larmes et mes pleurs,
Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs,
Afin que vif (5) et mort ton corps ne soit que roses.

Pierre de Ronsard, Sur la mort de Marie, sonnet CVIII (1578),
Le Second Livre des Amours.

(1) chaleur.
(2) ouverte.
(3) divinité qui, dans la mythologie grecque, coupait le fil de la vie.
(4) offrandes mortuaires.
(5) vivant.