Réunion de jury à Paris


Le jury de l'EAF 2002 du centre d'examen du lycée X (Paris) s'est réuni ce matin.

Notre coordinateur a d'abord fait un compte-rendu de la réunion des coordinateurs de Paris qui s'était tenue la veille, sous la houlette de l'IPR M. Laffite et du directeur du SIEC, M. Le Goff. Réunion chaude, très chaude, même, selon notre rapporteur, et je le cite, "pas seulement à cause de la température de l'air" ! Toujours selon lui, les professeurs présents, dans leur grande majorité, étaient très remontés contre les conditions de ce bac, et du coup, souvent, mettaient en cause la réforme elle-même. En ce qui concerne l'oral, les instructions de M. Laffite, répercutant celles de Mme Weinland, furent donc : on doit poser une question ouverte, la plus ouverte possible, et, en réponse aux propositions du collectif Montaigne, on peut poser la question "Quel est l'intérêt principal de ce texte ?". Notre rapporteur a dit aussi (mais là, j'ignore s'il a sur-interprété ou non les propos de Laffite), que cela revenait en fait à permettre aux élèves de replacer un maximum de connaissances sur le texte, voire une explication complète, c'est-à-dire à ne pas poser de question du tout !

Il s'en est suivi au sein du jury une discussion sans fin, sur l'attitude à adopter, pour mettre tous les candidats sur un même pied d'égalité. Manifestement, notre coordinateur est sur la ligne SLL, auquel il a d'ailleurs fait référence une fois. Il a rappelé les actions menées cette année par divers collectifs et associations ; il a soutenu l'idée que, en soi poser une question différente à chaque candidat était anti-démocratique, et que par ailleurs cela mutilait le sens du texte. Au moins sept collègues de notre jury partagent ce point de vue, seuls deux collègues, ayant peur de déstabiliser les candidats, sont pour "jouer le jeu" de la réforme, "quitte à la rediscuter après coup" (dixit). Deux collègues ne semblent pas avoir d'opinion tranchée. Un collègue a brandi un papier du SNES qui invite les examinateurs à ne poser qu'une question. Bref, on a abouti à une solution mitigée : on peut choisir la question unique : "Quelle lecture de ce texte proposez-vous ?", et ceux qui le souhaitent, au cas par cas, selon les textes, pourront formuler une question qui ne soit pas moins ouverte - la réunion d'avant l'oral servira à vérifier cette "ouverture".

En tous les cas, notre coordinateur (comme je le lui suggérais) s'est proposé de rédiger un rapport à l'Inspection et au Rectorat, qui fera état du malaise des collègues face aux conditions aberrantes de cette EAF 2002 qui se déroule "dans l'arbitraire le plus total" (dixit un collègue), et qui impose une surcharge de travail bien inutile, comme tout le monde l'a souligné…

Quant à l'écrit, les sujets (ES-S), ainsi que les consignes de correction, ont été critiqués : corrigés indigents, comme d'habitude ; sujet de dissertation alambiqué, qui entraînait les candidats sur de fausses pistes, et sujet pas franchement dialectique ; sujet d'invention niaiseux, qui appelait l'avalanche de lieux communs. Nous nous sommes essayés à corriger une copie de chaque sujet. Si nous sommes vite tombés d'accord sur la note de la dissertation et du commentaire, l'invention a été un casse-tête (et une partie de rigolade, il faut le dire). Il est évident, en dépit des consignes de correction, que nous n'avons pas les mêmes attentes : l'un donne 12 parce qu'il y a deux ou trois arguments et un semblant de progression dramatique (en fait, un revirement final ridicule…) ; l'autre donne 8 parce que c'est bavard, plein d'anachronismes et d'erreurs historiques, écrit dans un style plat, et finalement peu argumenté…Mais, comme l'a souligné justement un collègue, on ne peut pas demander à un péquin lambda de courir le 100 mètres en moins de dix secondes…or, c'est ce qu'on demande de fait aux élèves de Première, quand on leur demande de se prendre pour Giraudoux ! Il faut donc s'en prendre à la réforme, pas aux candidats qui la subissent.

Petit commentaire personnel : on vit un psychodrame. Les collègues sont très angoissés ("je dors mal depuis un an", ai-je entendu!), très mal vis-à-vis de leurs élèves qu'ils n'ont pas su préparer de manière cohérente. Est-ce pour autant une atmosphère propice à la révolte ? Bof…Encore trop de (jeunes) collègues trop soucieux de bien faire et qui assument tout ce qu'on leur fait assumer, ou de respecter la Voix de son maître, ou de ne pas pénaliser les élèves etc. Très peu de collègues, malgré tout, (un seul ici) pour croire encore au bien-fondé de cette réforme, qu'ils voient comme une arme contre le "psittacisme" honni - d'ailleurs, on le voyait nettement, des collègues qui s'adressent à un public privilégié, capable de brio, et cultivé. Dans l'ensemble, tout le monde est très dubitatif, voir carrément hostile à cette énième réforme, et on semble attendre la "période de remise à plat" promise pour la rentrée ! On a peut-être de l'espoir de ce côté.

F.C.
18 juin 2002