EAF 2002, série S : Les textes littéraires sont nombreux…
Aujourd'hui j'ai corrigé les 12 dissertations de mon paquet de 126 copies de S. Comme on pouvait s'y attendre les malheureux candidats ont peiné . La majeure partie des devoirs, que, dans un égarement total (qu'exiger en effet sinon une certaine bonne volonté), j'ai notés de 5 à 15, traite la question en une addition d'exemples littéraires susceptibles de convaincre et persuader en reprenant avec plus ou moins de pertinence les données des textes argumentatifs étudiés en classe ; certains candidats ont tenté un recensement des genres pour alléguer leur efficacité : le théâtre est vivant et on y croit, l'apologue instruit en divertissant etc. Les textes du corpus ont généralement été négligés, les élèves ayant sans doute eu peur de se livrer à une analyse personnelle ou de répéter ce qu'ils avaient dit dans la question préliminaire.
Il paraît d’ailleurs bien inutile de s'interroger : la littérature est dans son ensemble un moyen infaillible de nous "faire passer un message". Au point que cela en angoisse quelques-uns : ne serions-nous pas manipulés quelque part ? et qu'en guise de conclusion un candidat pose naïvement la question : "Mais est-ce que tous ces textes ne devraient pas avoir une certaine limite ?"
Pas de véritables plans donc puisque pas de problématique.
Quelques jeunes audacieux ont bien essayé de discuter. Hélas ! on ne peut louer que leur courage ! Celui-ci, cherchant à évaluer l'efficacité plus ou moins grande des textes, déclare :"Les courts récits persuadent mieux qu'un long roman car le lecteur se perd dans toutes les pages". Plusieurs ont estimé que la censure rendait les textes inefficaces puisqu'on ne pouvait les lire . D'autres ont mis en avant des difficultés de compréhension de la part du lecteur réduisant à néant les efforts de l'auteur. Enfin un candidat a "prouvé" l'inefficacité des textes littéraires étant donné que les guerres continuent malgré eux et s'est pris à regretter que ces textes n'aient pas été écrits par des anciens combattants, seuls capables de parler en connaissance de cause...
Une copie a particulièrement retenu mon attention par son traitement bouffon de nos objets d'étude. Le candidat est-il sérieux ou se moque-t-il ? Qu'on en juge : " Les textes littéraires sont nombreux. On peut les classer dans des catégories tel que l'apologue, les articles plus scientifique destinés à l'Encyclopédie, qui se nomme normalement : "Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers par une société de gens de lettres", ou le théâtre, la poésie...L'apologue regroupe les fâbles, les fâbliaux, les contes et les utopies et les essais que je mettrais un peu de côté. Que ce soit les contes merveilleux (Cendrillon) ou phylosophique dont Voltaire est le maître incontesté (Micromégas, Candide), les fâbles, ils suivent tous un schéma narratif simple (état initiale; force perturbatrice; péripéties ; force réparatrice ; état final) des schémas actantiel, utilisent le présent de l'indicatif. Tout ces éléments nous permettent de cerner l'inttention de l'écrivain dans sa démarche argumentative..." (orthographe d'origine)
Il m'a semblé que cette trissotinade était une parfaite illustration non pas tant de la sottise de l'élève que de l'effet désastreux de la réforme sur de jeunes cerveaux. Ne dirait-on pas ici une relecture des documents d'accompagnement par quelqu'un qui aurait fumé une substance prohibée ? Cela ne déparerait pas dans La Leçon de Ionesco, ou dans En attendant Godot de Beckett quand Lucky se met à penser sur commande.
ÉAF 2002, séries S et ES, première réaction.