Brevet 2003, sujets
Regroupement 1 : académies d'Amiens, Créteil, Lille, Paris, Rouen, Versailles Les Cévennes, automne 1828. Le narrateur, un officier, est surpris par la nuit et l'orage. Une menace étrange fait s'enfuir sa jument, et lui-même se précipite vers le premier refuge venu... C'était une auberge. J'entrai. Personne ne s'y trouvait. Seule l'odeur du temps pourrissait là, tenace et pernicieuse. Claude Seignolle, L'Auberge du Larzac, édition Phébus Libretto, 1967.
Regroupement 2 : académies de Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Limoges, Nantes, Orléans-Tours, Poitiers, Rennes
Regroupement 3 : académies de Besançon, Dijon, Grenoble, Lyon, Nancy-Metz, Reims, Strasbourg
Regroupement 4 : académies d'Aix-Marseille, Corse, Montpellier, Nice, Toulouse
J'appelai et tapai du poing sur une table bancale qui faillit s'effondrer sous mes coups. L'aubergiste devait être au cellier ou dans une des chambres de l'étage. Mais, malgré mon tapage, on ne se montra pas. J'étais seul, tressaillant d'attente, devant un âtre vide inutilisé depuis bien longtemps, à en juger par les toiles d'araignées qui bouchaient la cheminée. Quant à la longue chandelle, allumée depuis peu, et soudée à une étagère, sa présence, au lieu de me rassurer, me remplit plus d'inquiétude que si je n'avais trouvé en cet endroit que la nuit et l'abandon.
Je cherchai un flacon d'eau-de-vie afin de me réconforter et chasser la crainte qui me retenait d'aller visiter les autres pièces de cette étrange auberge. Mais les bouteilles qui gisaient là, poussiéreuses, avaient depuis longtemps rendu l'âme. Toutes, de formes anciennes, étaient vides, les années assoiffées ayant effacé jusqu'aux traces des boissons qu'elles avaient contenues.
Tout était si singulier qu'attentif au moindre bruit, je me questionnai sur l'étrangeté des lieux. Du bois sec traînait. Je le rassemblai dans le foyer, sur un lit d'herbes sèches trouvées sans peine, et, frottant mon briquet épargné par la pluie, j'en tirai des flammes rassurantes.
Rencogné près de la cheminée, je me tendis à la chaleur, bien décidé à brûler le mobilier pour garder jusqu'à l'aube cette réconfortante compagnie. Les bouffées de résine me furent aussi revigorantes que des goulées d'alcool pur, mais, pensant à la perte de ma jument, je fus pris de tristesse, ne comptant plus que sur son instinct de bête pour qu'elle me revînt.
Tout à coup un insidieux frisson me traversa, semblable à celui ressenti dehors et qui m'avait chassé jusqu'ici. "On" se trouvait à nouveau là, tout proche !
Les murs avaient beau me protéger de trois côtés ; éclairé par le foyer craquant, j'étais visible et vulnérable. On pouvait m'atteindre de face, en tirant de loin, à plomb. Je me dressai, les muscles prêts à une nouvelle fuite.
Mais mon anxiété fit place à une vive angoisse qui m'oppressa jusqu'à m'étouffer. Maintenant "on" entourait l'auberge et, impitoyables dans leurs mystérieux desseins, d'invisibles regards, que je percevais, me fixaient par la fenêtre sans volets. "On" était attentif à ma personne et cela avec une telle violence que je suais, subitement terrifié.
QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS
I - LA PRESENTATION DES LIEUX
1. Relevez, de la ligne 1 jusqu'à flammes rassurantes, au moins trois expressions qui caractérisent l'atmosphère de l'auberge. Quelle impression en retirez vous ?
2. Quelle est l'unique trace de vie présente dans l'auberge? Cette trace apporte-elle un réconfort au narrateur ? Pourquoi ?
3. Mais les bouteilles qui gisaient là, poussiéreuses, avaient depuis longtemps rendu l'âme. Quelle est la figure de style employée ici? Trouvez un autre exemple dans le même paragraphe. Quel effet cette figure de style produit-elle ?
II - LA PROGRESSION DU RECIT
1. Par quel connecteur temporel l'action s'enclenche-t-elle? Quel intérêt présentent les informations données par le narrateur jusqu'à ce moment du texte ?
2. Qui le pronom on, représente-t-il dans la phrase: On ne se montra pas. ? dans la phrase: "On" se trouvait à nouveau là, tout proche. ? Pourquoi ce mot est-il entre guillemets ?
3. Relevez dans le texte quatre noms appartenant au champ lexical de la peur. Ces mots sont-ils parfaitement synonymes? Quel effet l'auteur a-t-il voulu produire en les employant dans l'ordre où ils apparaissent ?
III - L'EXPRESSION DE LA PEUR
1. Relevez dans le premier paragraphe un indice grammatical révélant l'implication du narrateur dans le récit, puis un deuxième indice, différent, dans le dernier paragraphe.
Quel effet cette présence constante du narrateur a-t-elle sur le lecteur ?
2. Impitoyables, invisibles.
Comment sont formés ces adjectifs? Quel est leur sens ?
Qu'en déduisez-vous sur la situation du narrateur ?
3. Quels sont les effets physiques de la peur sur le personnage ? Appuyez votre réponse sur des citations du texte.
4. A quel genre de nouvelle cet extrait appartient-il? Qu'est-ce qui vous permet de le dire ?
RÉÉCRITURE ET DICTÉE : 10 POINTS
Réécriture : 4 points
"Tout à coup un insidieux frisson me traversa, semblable à celui ressenti dehors et qui m'avait chassé jusqu'ici. "On" se trouvait à nouveau là, tout proche !
Les murs avaient beau me protéger de trois côtés ; éclairé par le foyer craquant, j'étais visible et vulnérable. On pouvait m'atteindre de face, en tirant de loin, à plomb. Je me dressai, les muscles prêts à une nouvelle fuite."
Réécrivez ce passage en imaginant que le narrateur est accompagné d'un ami et en opérant les transformations nécessaires.
Attention : les fautes de copies seront sanctionnées.
Dictée : 6 pointsLe bois s'épaissit, l'obscurité devint profonde. Des bouffées de vent chaud passaient, pleines de senteurs amollissantes. Il enfonçait dans des tas de feuilles mortes, et il s'appuya contre un chêne pour haleter un peu.
Tout à coup, derrière son dos, bondit une masse plus noire, un sanglier. Julien n'eut pas le temps de saisir son arc, et il s'en affligea comme d'un malheur.
Puis, étant sorti du bois, il aperçut un loup qui filait le long d'une haie. Julien lui envoya une flèche. Le loup s'arrêta, tourna la tête pour le voir et reprit sa course. Il trottait en gardant toujours la même distance, s'arrêtait de temps à autre, et, sitôt qu'il était visé, recommençait à fuir.
Gustave Flaubert, Trois contes, "La Légende de saint Julien l'Hospitalier".
RÉDACTION : 15 POINTS
L'étude de ce texte vous fait réagir. Vous écrivez un article pour la rubrique Coup de cœur / Coup de griffe du journal de votre collège. Après avoir brièvement résumé le sujet et qualifié l'ambiance de cette histoire, vous dites pourquoi vous aimez (Coup de cœur) - ou vous rejetez (Coup de griffe) - ce genre de récit.
Vous illustrerez vos arguments par des exemples tirés de votre culture personnelle (lecture, cinéma, théâtre...).
DOCILITE
La forêt dit : "C'est toujours moi la sacrifiée,
On me harcèle, on me traverse, on me brise à coups de hache,
On me cherche noise(1), on me tourmente sans raison,
On me lance des oiseaux à la tête ou des fourmis dans les jambes,
Et l'on me grave des noms auxquels je ne puis m'attacher.
Ah ! On ne le sait que trop que je ne puis me défendre
Comme un cheval qu'on agace ou la vache mécontente.
Et pourtant je fais toujours ce qu'on m'avait dit de faire.
On m'ordonna : "Prenez racine." Et je donnai de la racine tant que je pus.
"Faites de l'ombre." Et j'en fis autant qu'il était raisonnable.
"Cessez d'en donner l'hiver." Je perdis mes feuilles jusqu'à la dernière.
Mois par mois et jour par jour je sais bien ce que je dois faire,
Voilà longtemps qu'on n'a plus besoin de me commander.
Alors pourquoi ces bûcherons qui s'en viennent au pas cadencé ?
Que l'on me dise ce qu'on attend de moi, et je le ferai,
Qu'on me réponde par un nuage ou quelque signe dans le ciel,
Je ne suis pas une révoltée, je ne cherche querelle à personne.
Mais il semble tout de même que l'on pourrait bien me répondre
Lorsque le vent qui se lève fait de moi une questionneuse."
La Fable du monde - Jules Supervielle (1938)
(1) : chercher noise = chercher querelle
QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS
I - LA VICTIME
1. Qui prend la parole en ce début de poème ? Justifiez votre réponse en citant deux marques caractéristiques du discours direct. Comment appelle-t-on cette figure de style ?
2. Vers 4 : "On me lance [...] des fourmis dans les jambes." En quoi peut-on dire ici qu'il s'agit d'un jeu de mots ?
3. Vers 2 à 4 : observez les verbes.
a) Quelle est la valeur du temps employé ici ?
b) Quel en est toujours le sujet ?
c) A quel champ lexical ces verbes appartiennent-ils ?
4. Vers 1 à 5 :
a) Relevez trois formes différentes du pronom personnel qui désigne le locuteur dans ces vers.
b) Quelle forme est la plus fréquente ? Quelle est sa fonction dans le vers 2 ?
5. En vous appuyant sur les réponses aux questions 3 et 4, expliquez en quoi le locuteur est une victime.
II - SON PLAIDOYER
1. Vers 8 : "Et pourtant je fais toujours ce qu'on m'avait dit de faire."
a) Quelle est la nature grammaticale de "pourtant" ? Quel lien logique exprime-t-il ?
b) Relevez les vers qui développent le propos :
"je fais toujours ce qu'on m'avait dit de faire".
2. Vers 9 à 11 : Commentez le rythme de ces vers en vous appuyant sur le nombre de phrases par vers.
3. Proposez un synonyme au mot "docilité", titre du poème.
III - SA REQUETE
1. Vers 15 et 16 : "Que l'on dise..." ; "Qu'on me réponde..."
Que peut représenter le pronom "on" destinataire de la demande ?
2. Vers 15 à 18 : Par quels moyens, grammaticaux ou lexicaux, la forêt exprime-t-elle son désir d'être entendue ?
3. Expliquez l'image suggérée par le dernier vers : "Lorsque le vent qui se lève fait de moi une questionneuse."
RÉÉCRITURE ET DICTÉE : 10 POINTS
Réécriture : 4 points
Passez du discours direct au discours indirect les vers 1 et 2.
Vous commencerez par "La forêt se plaignit que..." et ferez toutes les transformations nécessaires.
Dictée : 6 points
Un jour, bien des années auparavant, quand la forêt recouvrait beaucoup plus de terres et qu'elle s'étendait dans toutes les directions, quand les hommes ne pensaient pas encore à abattre les arbres pour planter le cacao, qui n'était pas encore arrivé d'Amazonie, Jeremias se réfugia dans cette forêt. C'était un jeune noir qui fuyait l'esclavage. Les chasseurs d'esclaves le poursuivaient ; il pénétra dans la forêt habitée par les Indiens et jamais plus n'en sortit.
Jorge AMADO, Les Terres du bout du monde, trad. I. Meyrelles, Gallimard, 1994.
RÉDACTION : 15 POINTS
Sans reprendre le thème de la forêt, faites parler un animal ou un végétal qui s'interroge sur le sens de son existence.Académies de Besançon, Dijon, Grenoble, Lyon, Nancy-Metz, Reims, Strasbourg
Le héros, Georges Duroy, est journaliste dans un grand quotidien parisien à la fin du XIXe siècle. Provoqué par le rédacteur d'un autre journal, il décide de se battre en duel, au pistolet, pour défendre son honneur. Le duel aura lieu le lendemain, à l'aube...
Dès qu'il fut au lit, il souffla sa lumière et ferma les yeux.
Il avait très chaud dans ses draps, bien qu'il fît très froid dans sa chambre, mais il ne pouvait parvenir à s'assoupir. Il se tournait et se retournait, demeurait cinq minutes sur le dos, puis se plaçait sur le côté gauche, puis se roulait sur le côté droit.
Il avait encore soif. Il se releva pour boire, puis une inquiétude le saisit : "Est-ce que j'aurais peur ?"
Pourquoi son cœur se mettait-il à battre follement à chaque bruit connu de sa chambre ?
Quand son coucou allait sonner, le petit grincement du ressort lui faisait faire un sursaut ;
et il lui fallait ouvrir la bouche pour respirer pendant quelques secondes, tant il demeurait oppressé.
Il se mit à raisonner en philosophe sur la possibilité de cette chose : "Aurais-je peur ?"
Non certes il n'aurait pas peur puisqu'il était résolu à aller jusqu'au bout, puisqu'il avait cette volonté bien arrêtée de se battre, de ne pas trembler. Mais il se sentait si profondément ému qu'il se demanda : "Peut-on avoir peur malgré soi ?" Et ce doute l'envahit, cette inquiétude, cette épouvante ! Si une force plus puissante que sa volonté, dominatrice, irrésistible, le domptait, qu'arriverait-il ? Oui, que pouvait-il arriver ?
Certes il irait sur le terrain puisqu'il voulait y aller. Mais s'il tremblait ? Mais s'il perdait connaissance ? Et il songea à sa situation, à sa réputation, à son avenir.
Et un singulier besoin le prit tout à coup de se relever pour se regarder dans sa glace. Il ralluma sa bougie. Quand il aperçut son visage reflété dans le verre poli, il se reconnut à peine, et il lui sembla qu'il ne s'était jamais vu. Ses yeux lui parurent énormes ; et il était pâle, certes, il était pâle, très pâle.
Tout d'un coup, cette pensée entra en lui à la façon d'une balle : "Demain, à cette heure-ci, je serai peut-être mort." Et son cœur se remit à battre furieusement.
Il se retourna vers sa couche et se vit distinctement étendu sur le dos dans ces mêmes draps qu'il venait de quitter. Il avait ce visage creux qu'ont les morts et cette blancheur des mains qui ne remueront plus.
Alors il eut peur de son lit, et afin de ne plus le voir il ouvrit la fenêtre pour regarder dehors.
Guy de Maupassant, Bel-Ami, 1885, 1ère partie chapitre 7.
QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS
Un récit (3,5 points)
1. a - Qui raconte et à quelle personne est faite la narration ? Justifiez votre réponse par une citation du texte. (0,5 pt)
1. b - Relevez un passage au style direct. Qui s'exprime ? (0,5 pt)
2 - Justifiez l'emploi du présent "ont" de "Il avait ce visage creux" à "ne remueront plus", dans un récit écrit au passé. (0,5 pt)
3. a - Relevez du début du texte jusqu'à "Est-ce que j'aurais peur ?" et de "Et un singulier besoin" jusqu'à la fin les connecteurs temporels qui font progresser le récit.
(1 pt)
3. b - Comment s'explique selon vous la présence de nombreux paragraphes ? (0,5 pt)
3. c - Caractérisez à l'aide d'un adjectif qualificatif le rythme ainsi créé. (0,5 pt)
Un sentiment (5,5 points)
4. a - Quel sentiment domine le personnage ? Dites en quoi il est lié aux circonstances. (1 pt)
4. b - Faites un relevé des termes du lexique qui marquent cette émotion. (1 pt)
4. c - Montrez par trois exemples au moins comment cette émotion se traduit physiquement. (1,5 pt)
5. De "Quand il aperçut" à "énormes" :
a - Relevez deux termes de nature grammaticale différente qui traduisent le trouble du personnage. (0,5 pt)
b - Dites quel est le point de vue adopté par le narrateur. (0,5 pt)
6 - Diriez-vous de la fin du texte qu'elle est fantastique, tragique, dramatique ?
Justifiez votre réponse par deux exemples. (1 pt)
Un discours (6 points)
7 - De "Il se mit à raisonner" jusqu'à "à son avenir", relevez et placez dans un tableau les connecteurs qui mettent en évidence les quatre rapports logiques suivants : la cause ; la conséquence ; l'opposition ; l'hypothèse. (2 pts)
8 - Dans le passage argumenté (de "Non certes" jusqu'à "que pouvait-il arriver ?"), dites ce qui, du sentiment ou de la raison, l'emporte dans l'esprit du personnage. Vous justifierez votre réponse en vous appuyant sur les outils grammaticaux et lexicaux et le rythme. (2 pts)
9 - Identifiez avec précision les formes verbales en "... rais" et en "... rait" de "Il se mit à raisonner" jusqu'à "voulait y aller.". (1 pt)
Justifiez. (1 pt)
Réécriture : 4 points
Recopiez le passage de "Et un singulier besoin..." jusqu'à "... jamais vu", en opérant simultanément les transformations suivantes :
Duroy marmottait toujours :
"Quand on commandera feu, j'élèverai le bras". Et il pensa qu'un accident de voiture arrangerait tout. Oh ! Si on pouvait verser, quelle chance ! S'il pouvait se casser une jambe !
Mais il aperçut au bout d'une clairière une autre voiture arrêtée et quatre messieurs qui piétinaient pour s'échauffer les pieds ; et il fut obligé d'ouvrir la bouche tant sa respiration devenait pénible.
Les témoins descendirent d'abord, puis le médecin et le combattant. Rival avait pris la boîte aux pistolets et il s'en alla, avec Boisrenard, vers deux des étrangers qui venaient à eux. Duroy les vit se saluer avec cérémonie puis marcher ensemble dans la clairière en regardant tantôt par terre et tantôt dans les arbres, comme s'ils avaient cherché quelque chose qui aurait pu tomber ou s'envoler. Puis ils comptèrent des pas et enfoncèrent avec grand-peine deux cannes dans le sol gelé. Ils se réunirent ensuite en groupe et ils firent les mouvements du jeu de pile ou face, comme des enfants qui s'amusent.
Guy de Maupassant, Bel-Ami.
RÉDACTION : 15 POINTS
Vous racontez, dans votre journal intime, un moment de grande peur qui eut une fin heureuse.
Vous ferez alterner récit et expression des sentiments et vous ne manquerez pas d'inclure dans un passage argumenté votre combat entre la peur et la raison.
Il sera tenu compte, dans l'évaluation, de la présentation, de la correction de la langue et de l'orthographe.
Académies de Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Limoges, Nantes, Orléans-Tours, Poitiers, Rennes
Le Bracelet Caoutchouc Blond
Du Bracelet Caoutchouc (dit familièrement Elastique, comme s'il relevait de la mercerie), il faut se rappeler le toucher musculeux et tonique, la vivacité d'orvet, la faculté de rebondir légèrement s'il tombe, serpentin neuf, pas encore déroulé. L'odeur est celle des pneus tièdes. Le goût est amer. Il est indescriptible, le bruit assourdi de l'Elastique mâché, le petit choc sec d'émail quand les canines se rencontrent à travers lui et le transpercent.
Le Bracelet Elastique est un serpent qui se mord la queue. Il ne mue pas, il s'use. D'abord, il se décolore, se craquelle en plusieurs endroits, blanchit comme des phalanges de poing serré. Sa rupture survient peu après. Il casse. Ses deux extrémités s'éloignent. Il s'allonge, s'étale, s'avachit. C'est un ver sans ressort. On regrette d'avoir tant exigé de lui.
Autre analogie avec le serpent : sa mâchoire se distend au point de gober dix fois plus gros que lui. Il avale des volumes énormes, en fait même deux, trois fois le tour pour mieux les maintenir. Songer au boa constrictor. D'où ses propriétés de garrot tout à fait remarquables : l'Elastique change en boudin grenat le doigt qu'il serre.
Le Bracelet Caoutchouc Blond est une bonne simulation de lance-pierres. Moins fragile, plus large, il obtiendrait de remarquables résultats, pour la distance franchie comme pour la précision. Mais, eu égard à sa finesse, on ne lui donne à lancer que du papier roulé et plié en accent circonflexe. Parfois, du gravier d'aquarium.
Régine Detambel, Graveurs d'enfance, Folio Gallimard, 2002.
QUESTIONS SUR LE TEXTE : 15 POINTS
I - LES PROPRIETES DU BRACELET
1) "Bracelet Caoutchouc" et " Elastique" désignent le même objet.
a) Quelle distinction l'auteur établit-il entre ces deux expressions ?
b) Pourquoi les écrit-il avec des majuscules ?
2) a) Dans la phrase "Il est indescriptible ... et le transpercent", qu'est-ce qui est "indescriptible" ?
b) Donnez le sens de l'adjectif "indescriptible" ; qu'est-ce qui explique ce caractère "indescriptible" ?
3) A l'aide de citations précises extraites des deux premiers paragraphes, montrez que la description de l'élastique fait appel aux cinq sens.
II - LES METAMORPHOSES DU BRACELET
4) Donnez un mot de la même famille que "musculeux". A quoi l'auteur veut-il comparer le Bracelet Caoutchouc Blond lorsqu'il emploie l'adjectif "musculeux" ?
5) "Sa rupture survient peu après. Il casse."
a) Donnez la nature des propositions.
b) Quel effet leur juxtaposition produit-elle ?
6) a) Donnez un synonyme du mot "analogie".
b) L'expression "Autre analogie" se trouve au début du paragraphe : quel rôle joue-t-elle, à cette place, dans l'organisation du texte ?
7) a) A quoi le "Bracelet Elastique" est-il comparé dans les paragraphes 2 et 3 jusqu'à "...constrictor" inclus ?
b) Par quelles caractéristiques du Bracelet Elastique ces images sont-elles justifiées ?
III - LES FONCTIONS DU BRACELET
8) a) Réécrivez la phrase "Moins fragile [...] précision." en transformant le groupe "Moins fragile, plus large" en proposition subordonnée conjonctive, sans modifier le sens de l'ensemble.
b) Quelle est la valeur circonstancielle de cette proposition subordonnée ?
9) a) Retrouvez dans les deux derniers paragraphes deux utilisations détournées du "Bracelet".
b) Citez la phrase du texte dans laquelle est définie la fonction première du "Bracelet".
10) Le bracelet élastique est un objet très commun ; que pensez-vous de la manière dont Régine Detambel décrit ici le "Bracelet Caoutchouc Blond" ? Vous justifierez votre réponse en évoquant les réactions que la lecture de ce texte a provoquées en vous.
Réécriture : 4 points
Réécrivez le second paragraphe depuis "Le Bracelet Elastique..." jusqu'à "Ses deux extrémités s'éloignent" en commençant la réécriture par "Les Bracelets Elastiques".
Vous effectuerez toutes les modifications nécessaires.
Vers 1900, un camarade de classe présente à Marcel Pagnol un nouvel objet.
Il m'expliqua que cet appareil s'appelait un "stylographe", que son père le lui avait rapporté d'Angleterre, et qu'il permettait d'écrire pendant une semaine sans s'arrêter ; enfin, quand il était vide, on pouvait le remplir de nouveau en tirant sur une sorte de piston.
Il voulut m'en montrer le fonctionnement : mais il n'était pas encore très habile au maniement de cette mécanique anglaise, et ne réussit qu'à lancer un jet soudain d'encre indélébile sur son magnifique cahier neuf.
J'en ressentis un si vif plaisir que je lui pardonnai aussitôt la possession d'une merveille dont il ne saurait jamais se servir.
Marcel Pagnol, Le Temps des Secrets.
RÉDACTION : 15 POINTS
Vous décrirez un objet de la vie quotidienne que vous aimez particulièrement. Vous en évoquerez les divers aspects, de manière à faire partager votre sentiment. Comme Régine Detambel, vous vous efforcerez de rendre compte des différentes perceptions (vue, ouïe, etc.) qui peuvent intervenir dans la description de cet objet.