Merdre, si l'école n'apprend plus à écrire...
Chacun aura pu constater que la longueur et le niveau de "difficulté" de la dictée du Brevet des Collèges ont été considérablement augmentés cette année. Cette observation appelle cependant de sérieuses réserves si l'on prend en considération les consignes imposées aux correcteurs. Voyons ce qu'il en est. Les erreurs grammaticales doivent être notées sur 3 points [1], à raison de 0,5 point par erreur. Ainsi, en supposant qu'aucune "erreur lexicale" ne soit commise, le candidat aura la moyenne en orthographe, qu'il ait commis 6 fautes de grammaire... ou 15 , ou davantage ! A titre d'exemple, voici une copie du texte qui devra se voir attribuer la moyenne, soit 3/6 : Ceux que j'aimai le plus, c'était voire le soleil se couché à l'ouest, sur les colline qui deviennes comme des nuages bleues. La maison de ma mère et un appartement aux sixièmes étages, sous les toits, cent vues et presque s'en soleil. Il y a deux petite fenêtre basse , fermé s par des grillages a cause dés rat . Je me souviens ceux que j'ai ressentis quant je suis entrer dans cette appartement pour la première fois. Non pas pour passé, comme quant ont vat voire une pauvresse, mais pour y vivre, pour y resté des mois, des années. Un désespoir comme jamais je n'avais imaginer, un trou noir, je tombait en arrière sans espoir de pouvoir remontez. Étant donné que le même barème est imposé pour les erreurs lexicales, le même raisonnement reste valable : à supposer qu'aucune faute de grammaire soit commise, le candidat aura la moyenne quel que soit le nombre d’erreurs commises puisqu'on ne peut lui enlever que 3 points au titre des fautes d'usage. Voici, par exemple, ce qu'on pouvait écrire tout en atteignant la moyenne : Ce que j'aimais le plu , c'était voir le soleil se coucher à l'oueste, sur les colinnes qui deuvienent comme des nuajes bleus. La maison de ma mère est un apartemment au sizième étague, sous les tois, sans vu et presque sans soleil. Il y a deux petites fenètres bases, fermées par des grilages à cause des raz. Je me souviens ce que j'ai ressenti quand je suis antrée dans cet apartemment pour la première foie. Non pas pour passer, comme quand on va voir une povresse, mais pour y vivre, pour y rester des mois, des années. Un désespoire comme jamais je n'avais immaginé, un trout noir, je tombais en arière sans espoire de pouvoir remonter. Bien entendu, seuls quelques esprits bornés et passéistes se refuseront à en tirer la conclusion que le niveau monte. Quant à Mme la Doyenne de l'Inspection des Lettres, qui redirait sans doute "mais ils n'ont pas fini leurs études" (L'Express, 14/3/02) , on pourrait lui soumettre un (parmi trop d'autres du même acabit) bref extrait - bien réel, hélas - de copie de baccalauréat (fin de Première, faut-il le rappeler ?) : " a ces yeux sont cours est beaucoup plus important, tous ce qu'il veut s'est continuer son cours." N'importe quel lecteur de bonne foi constaterait que l'enseignement de l'orthographe n'est pas vraiment performant ! D'ailleurs, l'actuel ministre de l'Éducation reconnaît lui-même (Le Monde, 24/5/02, p. 10) que "soumis à une même dictée, les écoliers du début du siècle faisaient 5 fautes d'orthographe, ceux d'aujourd'hui en commettent 17." Malheureusement, il n'en tire pas les leçons et se borne à incriminer un "manque d'attention à la langue" qui relève d'un "désamour collectif […] pour l'orthographe". Sans doute insiste-t-il, dans le même article, sur le nécessaire respect des "horaires de pratique de la lecture et de l'écriture" à l'école primaire; on notera cependant que "pratiquer" ne signifie pas "apprendre", et que la considération toute secondaire accordée à l'orthographe au collège - comme en témoigne l'évaluation de l'épreuve du Brevet - n'a rien pour inciter les collégiens à manifester une "attention à la langue" plus soutenue... ou un amour plus efficace. "Merdre", comme dirait le père Ubu, si l'école n'est plus censée apprendre à écrire, appelons-la Garderie Nationale et n'en parlons plus; mais que l'on cesse d'afficher une hypocrisie scandaleuse en clamant à tous les échos que l'on se préoccupe de l'enseignement de la langue. Pour information, copie du texte original : Remarque : la narratrice est une jeune fille. Ce que j'aimais le plus, c'était voir le soleil se coucher à l'ouest, sur les collines qui deviennent comme des nuages bleus. La maison de ma mère est un appartement au sixième étage, sous les toits, sans vue et presque sans soleil. Il y a deux petites fenêtres basses, fermées par des grillages à cause des rats. Je me souviens ce que j'ai ressenti quand je suis entrée dans cet appartement pour la première fois. Non pas pour passer, comme quand on va voir une pauvresse, mais pour y vivre, pour y rester des mois, des années. Un désespoir comme jamais je n'avais imaginé, un trou noir, je tombais en arrière sans espoir de pouvoir remonter.
C'était le plein hiver, il pleuvait, la nuit tombait tôt. La nuit semblait montée de tout les soupiraux, des portes des maisons pour envahirent les ruelle de la vieille ville.
C'était le plain hiver, il pleuvait, la nuit tombait tôt. La nuit semblait monter de tous les souppirots, des portes des maisons pour envahir les ruelles de la vieille ville.
C'était le plein hiver, il pleuvait, la nuit tombait tôt. La nuit semblait monter de tous les soupiraux, des portes des maisons pour envahir les ruelles de la vieille ville.
J.M.G. Le Clezio, Printemps et autres saisons. Gallimard, 1989.