Ce texte est paru dans "Le Monde" du jeudi 07/03/2002.
Pour aider au financement de cette action, et en permettre d'autres, merci de participer à notre souscription.
Selon des chiffres que personne ne conteste, 20 % des élèves de sixième peuvent être considérés comme illettrés, et leur scolarité - est-il besoin de le dire ? - se trouve d’emblée vouée à l’échec.
Comment le Ministère de l’Éducation nationale répond-il à cette réalité alarmante ? Par un tour de passe-passe qu’illustre le tout nouveau programme de l'école primaire. On affirme que la maîtrise de la langue est une priorité, et le lapin qu’on sort du chapeau s’appelle la « transversalité » : on n’étudiera pas le français seulement pendant la leçon de français mais à l’occasion de tous les apprentissages ! Parce que la maîtrise de la langue ne peut être acquise « dans des exercices formels fonctionnant à vide », elle passera désormais par la leçon de calcul et d’histoire, par l’étude d’une langue régionale et par un « débat » hebdomadaire de « vie collective » !
Mais ce que nous cache cette nouvelle pédagogie du désordre, c’est que la dégringolade continue. On consacrait à l’enseignement du français 15 heures par semaine en cours préparatoire il y a 35 ans : on lui en consacre moins de 10 aujourd’hui. Et l’on continue de soigner le mal par le mal : pour les trois dernières années d’études à l’école primaire, on vient de réduire encore ce chiffre pour le faire passer de 9 heures à 7 heures ! Et la même politique va être suivie au collège : dès septembre prochain, on diminuera le nombre d’heures consacrées au français pour mettre en place des activités sans programme précis, mais joliment nommées « itinéraires de découverte ».
Quant aux contenus de l’enseignement, c’est la même médecine qu’on applique. Ici encore, bien sûr, la maîtrise de la langue est désignée comme une priorité mais, sans s’aviser d’une contradiction de fort calibre, on dégraisse la grammaire. Prenons seulement quelques exemples dans le nouveau programme de l’école primaire : où sont donc les prépositions, les pronoms relatifs ? A la trappe ! Le subjonctif ? On se contentera du présent des verbes réguliers !
Français, encore un effort ! Il vous faudra bientôt attendre d’entrer à l’Université pour connaître à peu près la grammaire.
Il ne faut pas se le cacher : ce mépris pour la langue est un mépris pour les élèves, et tout particulièrement pour les plus modestes d’entre eux qui ne trouveront pas dans leur famille les ressources nécessaires pour pallier les carences de l’école. L’égalité des chances était mourante : elle sera bientôt morte.
Nous ne laisserons pas le silence recouvrir ce scandale, et nous exigeons une refondation des enseignements littéraires dans leur totalité, de l’école primaire au lycée.
Nous exigeons que l’on redonne sa dignité à notre langue qui ne cesse de se dégrader parce qu’on oublie qu’elle exige, jusqu’aux dernières années de collège, un apprentissage spécifique de la grammaire et de l’orthographe.
Nous exigeons que, dans tous les établissements secondaires, on offre à tous les élèves qui le désirent la possibilité d’une étude sérieuse des langues anciennes, capitale pour l’apprentissage du français.
Nous exigeons que l’on construise, pour toutes les années de collège et de lycée, un enseignement de littérature solide, cohérent et suivi, et qui soit dispensé sans technicité inutile.
L’école manque chaque jour davantage à sa double mission : transmettre des savoirs et former des esprits. Le désastre sera bientôt parfaitement accompli si le prochain Président de la République ne prend pas des mesures rapides et fermes pour que l’école redevienne digne des élèves qu’elle accueille. Ces décisions, c’est maintenant qu’elles doivent être annoncées, et nous les attendons.
Imprimer le texte : act_prim.rtf Affichette pour accompagner l'article : appelsouscription.rtf Imprimer le dessin : plantu.jpg Pour aider au financement de cette action, nous avions lancé une souscription qui avait recueilli 1900 euros. 06/2002 |